« Mais maman, je devais aller au cinéma avec mes copines ! » protesta Jennifer, ma grande-sœur, lorsque notre mère lui impose de veiller sur moi. J’ai à peine neuf ans, mais je comprends très bien que ma sister, comme je la surnomme alors, ne veut pas m’avoir sur le dos parce qu’elle doit sortir avec son amoureux. Mais maman a du travail et elle ne peut pas compter sur son mari, puisque ce dernier a disparu. Je n’ai jamais connu mon père, il a quitté le domicile familial alors que je n’étais pas encore née, et il n’est plus fait mention de lui dans notre maison. « Ne discute pas Jenny ! J’ai des courses à faire et je dois également récupérer mon tailleur chez le pressing. J’ai un entretien d’embauche demain matin. Tu sortiras avec tes amies un autre jour. » Jennifer est bien obligée d’obtempérer, de faire ce que maman lui demande, mais je vois bien qu’elle boude. C’est une adolescente de dix-sept ans et quand j’aurais son âge, je serais peut-être pire qu’elle ! Néanmoins, dès que maman est sortie de notre appartement, elle redevient une grande sœur adorable. Elle me propose aussitôt de regarder la vidéo de mon dessin animé préféré, Dumbo, tandis qu’elle me prépare des crêpes.
Les crêpes étaient délicieuses. Jennifer dit toujours qu’elle est une piètre cuisinière, mais ses crêpes sont les meilleures du monde, j’en ai mangé sept en tout et maintenant, j’ai mal au ventre. Après m’avoir surveillée pour ma toilette du soir, vérifier que mes dents étaient bien brossées et ma figure toute propre, ma sœur me met au lit, me borde et me raconte une histoire. L’histoire d’une princesse, qui se fait passer pour un homme afin de sauver son pays et l’honneur de sa famille. Elle éteint ensuite la lumière, tout en laissant la porte de ma chambre ouverte afin de veiller sur moi. Elle sait que j’ai peur dans le noir, il y a des monstres qui me font faire d’affreux cauchemars. Je m’endors rapidement, et je rêve. Je rêve que je vole, comme Dumbo et puis je me réveille lorsque la lumière du couloir, puis celle de ma chambre s’allument brusquement. Je me frotte les yeux, encore engourdis de sommeil et j’entrevois le visage de ma sœur. Ses yeux sont bouffis, on ne peut que deviner qu’elle est en train de pleurer. Et quand elle vient me prendre dans ses bras, je comprends très vite que quelque chose de grave vient d’arriver. Ma mère est morte. Je n’ai pas de père et ma maman vient de s’envoler pour toujours, elle est dans les étoiles. Alors, je pleure moi, je suis une petite fille intelligente, je compris vite que rien ne sera plus jamais comme avant. Jennifer ne me cache rien de ce qui est arrivé, un accident. Maman retournait à sa voiture, elle a fait tomber ses clés par terre, elle s’est arrêté et penché pour les ramasser et un chauffard l’a renversé.
Quelques mois plus tard, après avoir passé plusieurs semaines dans un foyer d’accueil, ma sœur obtient le droit de pouvoir s’occuper de moi. Il a fallu qu’elle attende d’avoir dix-huit ans pour le faire. Elle est tout juste majeure, elle rêvait d’avoir cet âge-là pour pouvoir faire tout ce qu’elle voulait et alors que le jour ou maman est morte, elle pleurait parce qu’elle ne pouvait pas aller flirter, la voilà qui se bat pour ne pas qu’on soit séparés toutes les deux, et j’ai beau n’être qu’une petite fille, c’est très courageux de la part de ma sœur. Maman nous a laissé beaucoup d’argent, mais elle prend un emploi et nous déménageons dans un appartement du quartier de Carlson, notre ancienne maison nous rappelait trop notre mère. En plus de s’occuper de moi, elle suit également ses études. Elle rêve de gloire et de paillettes, elle veut devenir comédienne, avoir une statuette en or et une étoile à son nom sur le Walk of Fame. Mais les mois, les années passent, la vie poursuit lentement son chemin, et ma sœur se rend compte qu’elle ne pourra jamais réaliser son rêve. Pas qu’elle n’a pas de talent, au contraire, elle est extrêmement douée, mais parce qu’elle reste réaliste. Devenir actrice, alors qu’elle doit s’occuper d’un enfant, ce n’est pas envisageable. J’ai onze ans lorsque je commence à lui poser des questions sur papa. Si Jennifer ne m’a jamais caché que notre mère avait eu un accident, elle ne m’a jamais rien dit sur papa. « Ne pose pas de questions, Bri ! Papa nous a abandonner, il n’y a rien à savoir de plus. » Me répond-elle, visiblement furieuse de ma demande. Ce n’est pas une réponse, moi, je veux savoir, je veux le connaitre. Je veux connaitre davantage de choses sur lui, je n’ai même pas une photographie à laquelle me raccrocher. Je sais qu’il est là, quelque part et je veux le retrouver.
Deux ans, il m’aura fallu deux ans longues années pour retrouver la trace de mon père. Il n’était pas si loin, puisqu’il habite San Francisco. C’est ma meilleure amie de l'époque qui m'a aider, qui m’a aidé à retrouver sa trace. Il s’appelle Matthew. Matthew Hendryx, je porte donc son nom. Il est pianiste de jazz et vit le plus souvent la nuit. Je n’ai pas dit à ma sœur que j’avais repris contact avec lui et je ne lui dirais pas, le seul à le savoir, c’est Olivier et il n’y a aucune raison pour que ça change. Elle ne veut rien savoir et doit certainement avoir ses raisons, elle serait terriblement déçue si elle apprenait ce que j’ai fait. C’est difficile de garder un tel secret, surtout lorsqu’on ne sait pas mentir, mais je m’accroche. Je veux connaitre ce père qui semble si proche et si loin à la fois. J’ai grandi sans avoir la chance de connaitre mes parents et s’il est malheureusement trop tard pour ma mère, je ne veux pas passer à côté de la chance qu’on m’offre de connaitre mon père, alors j’écoute cette voix dans ma tête et dans mon cœur, qui me dit de foncer, de courir vers Matthew Hendryx, mon père. Mon père qui souhaite réparer ses erreurs et rattraper le temps qu’il a passé loin de moi. Ce n’est d’ailleurs pas chose facile, car en même temps que je retrouve mon père, ma copine, perd le sien. Difficile de ne pas hurler de joie quand vous devez en même temps, soutenir et consoler votre ami de toujours. Mais elle a toujours été là pour moi, alors il est normal qu’à mon tour, je la soutienne.
Plusieurs années ont passés, Jennifer ne sait toujours rien de mon gros secret. J’ai tenu le coup, et j’apprends chaque jour à connaitre mon père. Comme moi, il déteste les jours de pluie, il éternue dès que la lumière est vive. Il est intolérant au bruit de la ville, le comble pour un homme qui vit au cœur de Melbourne et qui est pianiste de jazz. Le bruit de la ville lui est insupportable, il dort avec des bouchons dans les oreilles. Il transpire affreusement des pieds, il est gaucher, il déteste parler au téléphone et il a peur des chats. Il ne s’est jamais remarié. Il fréquente des femmes de temps en temps, mais rien de sérieux. Il vit dans un loft et travail sa musique avec passion. Nous avons beaucoup de points en communs, et je me rends compte que plus les jours passent, plus je suis proche de lui.
« Bri, tu veux bien ranger tes affaires au lieu de rêvasser ? » Me cri ma sœur, tandis que je brosse mes longs cheveux en contemplant mon reflet dans le miroir en pied de ma chambre. « Il ne s’intéressera jamais à moi ! » je songe en soupirant tristement. Je suis trop petite, mes yeux sont banalement marrons, je n’ai rien d’une fille séduisante. Je me sens cruche, j’ai beau avoir des amies, de bons résultats scolaires, aux yeux des autres, je ne suis que Brianna, la pauvre orpheline élevée par sa sœur, enceinte de son copain black. Comment une fille comme moi pourrait l'intéresser ? Chaque fois qu’il se trouve à moins de cinquante mètres de moi, je me tourne en ridicule. Je trébuche, je me casse la figure, je fais tomber mes livres, perd le code de mon casier. Plus godiche, tu meures. Et quand il me parle, je perds tous mes moyens, je bafouille, je deviens niaise. « Bri ! Viens ici tout de suite ! » Me houspille ma sœur depuis le salon, mettant ainsi fin à mes réflexions moroses. Je traine les pieds en allant à la rencontre de Jennifer et je découvre avec effroi qu’elle a mis la main sur les lettres et les cadeaux de papa. J’ai beau me faire toute petite, ce qui n’est pas bien difficile, je ne vais pas pouvoir échapper à une pénible discussion.
Voilà. Ma sœur est partie. Jennifer à quitter San Francisco avec son copain et son enfant à naitre, sans me laisser la moindre chance de plaider ma cause, d’expliquer pourquoi je tenais tant à renouer avec notre père. Avec tout ce qu’elle fait pour maintenir notre famille debout, elle prend cela comme une trahison et je ne suis plus digne de sa confiance. Elle est partie sans laisser de trace, me laissant seule avec mon chagrin. Mais dans mon malheur, j’ai de la chance, j’ai pu emménager chez mon père et j’en suis très heureuse. On se fait des soirées père-fille, on dine au restaurant, je l’accompagne à ses concerts, il m’emmène faire les magasins. C’est assez étrange, en perdant la confiance de ma sœur, je suis devenue digne d’intérêt pour mes camarades. Je ne suis plus le vilain petit canard, je suis devenue quelqu’un. La fille de Matthew Hendryx, célèbre pianiste. Tout le monde veut me connaitre, m’avoir pour amie et mieux encore, j’ai perdu ma virginité avec Oliver. J’avais dix-sept ans lorsque c’est arrivé, lui quatorze. En effet, il est beaucoup jeune que moi. C’est arrivé comme ça, sans raison et moi, ça m’a donné des papillons dans le ventre. Autrement dit, vous l’avez compris, je craque à fond pour lui. Et c’est encore le cas aujourd’hui, alors que j’approche dangereusement du quart de siècle. Bien sûr, il ne se doute de rien, j’ai toujours parfaitement caché mes sentiments et maîtriser mes émotions devant lui. Pour autant, lorsque je le vois avec une fille, ça me rend malade, à m’arracher les cheveux ! Mais je ne dis rien, je me maitrise devant lui, mais par derrière, la nana en prend pleins la tronche. Je me suis d’ailleurs prise la tête une fois, avec une blondasse, qui n’avait rien d’autre qu’un petit poids dans la tête. Elle n’arrêtait pas de rigoler cette idiote, mais à la longue, je crois qu’elle m’a prise pour une hystérique, sans doute parce que je l’ai giflé. Enfin, c’est sûrement ce que je suis en ce qui concerne Oliver, une hystérique. Et que dire de Carson ? Ce type, Oli avait le béguin pour lui et j’ai tout de suite remarqué qu’il attendait que ça, de mettre Oliver à son tableau de chasse, autrement dit, dans son pieux. Et ça à pas louper ! Lorsque c’est arrivé, il l’a balancé. Je savais que ça allait arriver, mais il ne m’a pas vraiment écouté. Depuis, je continue à jouer la bonne copine, la meilleure amie, tout en continuant d’espérer qu’un jour, il s’aperçoive que je suis bien plus qu’une amie à ses yeux.
Tout à changer il y a un an. Avec ma bande pote, un groupe soudé de six personnes, dont Oli et moi, nous sommes partis en Italie sur un coup de tête, pour Halloween. Un soir, alors que Baby et les autres étaient sortis en boîte, je suis restée à l'hôtel parce que je m'étais bousillé le genou en tombant. Oliver était bourré et on à coucher ensemble pour la deuxième fois. Le lendemain, je culpabilisais, parce que 'javais un peu le sentiment d'avoir profiter de la situation. Mais tout vas bien, puisque, depuis, nous sortons ensembles. Sauf qu'on en à encore jamais parler avec nos potes, de peur qu'ils le prennent mal. Vous feriez quoi à ma place ?
made by cobain.